
Préambule
Des recherches sur Internet me permirent d'identifier ce poisson qui ressemblait à une anguille comme étant un serpent de mer, appelé également serpent de sable. Selon un site espagnol, il vivrait habituellement entre 500 et 2450 mètres de profondeur, faisant des excursions dans des zones allant de -10 à -400 mètres.
Sa reproduction a lieu de juin à septembre. On le rencontre en Atlantique est, de la péninsule ibérique à l'Afrique du sud, dans l'ouest de la Méditerranée, dans l'ouest de l'Océan Indien, du Mozambique à l'Afrique du sud, et dans le Pacifique ouest, du Japon à l'Australie. En Italie, on en a identifié dans les substrats de la lagune de Venise, et en Australie, derrière la barrière de corail... donc dans des lieux très diversifiés, pourvu que la nourriture soit abondante, et le sol assez meuble pour qu'ils puissent s'y enfouir à reculons grâce au rostre terminal de leur queue.
Les serpents de mer ont-ils envahi le plateau continental ?
C'est la question qu'on est en droit de seposer après avoir constaté, au fil des ans, des captures de ce poisson de plus en plus près des côtes. La première fois que j'ai pêché un ophisurus serpens, c'était entre le cap Sicié et la pointe du Cap Vieux, le mercredi 2 octobre 2002. Je cherchais des soles sur la partie sablonneuse, au delà des dernières pierres, car j'avais aperçu des empreintes de poissons plats après m'être égaré à la poursuite d'un banc de marbrés. Lors des demi-apnées, ce que je pris pour une cannette de bière renversée par douze mètres de fond, était en fait un poisson non repertorié, enfoui dans le sable, dont seule la tête émergeait d'un creux en forme d'entonnoir. Je m'approchai de ce poisson inconnu et tirai à la base du crâne pendant qu'il esquissait un recul. La moitié de la flêche disparut dans le sable. C'est en tirant sur le fil nylon que je vis la bête dans son intégralité : un serpent de mer entièrement déployé, de couleur beige sur le dos et blanche sur le ventre, d'une longueur de 2,20 mètres, qui gigotait au bout de la tahitienne. Une bouche largement fendue, un peu comme la murène, mais avec des dents plus fines et un museau assez long et effilé. Quand au diamètre du corps, il n'excédait pas les 6 centimètres dans sa partie la plus large et son poids avoisinait les 2,5 kg.
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En France, on a pêché ce poisson à
Cannes par 35 mètres de fond et à Carro par 30 mètres. J'ai consulté
le site Internet de Christian Coudre. Ce qu'il a écrit sur les ophisurus
serpens, qu'il appelle "anguilles des profondeurs", corrobore les
observations recueillies sur le Net. "Un spécimen d'Anguille des
profondeurs, de la famille des
ophichthidae, a été signalé par Stéphane PUGNETTI (Cannes). Pêché au
large de Cannes par 35 mètres de profondeur sur un sédiment sablonneux,
ce poissons de 2 mètres de long pèse environ 2 Kg. Ces Anguilles
marines font partie de la faune abyssale. Des spécimens ont été ramenés
lors de prélèvements
effectués au delà du plateau continental, jusqu'à
plus de 1000 mètres de profondeur. L'absence de végétaux
n'y laisse pour nourriture que le monde vivant lui même. Les Poissons
des grands fonds sont pour la plupart de féroces prédateurs ;
la plupart ont des formes très étranges, presque irréelles.
Leur bouche est souvent disproportionnée et sa grandeur démesurée
leur permet d'absorber des proies de taille égale, voir supérieure
à la leur. C'est le cas de cette Anguille.
Le fait de rencontrer de telles espèces sur le plateau continental
n'est pas vraiment surprenant et n'est pas forcément
le fait d'un égarement. La faune abyssale, encore mal connue, a
aussi des raisons de migrer vers des lieux où les paramètres
biologiques correspondent aux conditions vitales de leur reproduction
et ainsi au maintien de l'espèce."
Je
suis allé au Muséum d'Histoire Naturelle de la ville de Marseille.
Un ophisurus serpens d'environ 2 mètres y est naturalisé. Vu l'état et
la méthode de conservation employée, il doit dater de plusieurs
dizaines d'années. Le nom français qui lui a été attribué à l'origine
est "serpent de mer".
Le mardi 15 octobre 2002, deux semaines après la
capture de l'anguilliforme, et juste avant l'interdiction de pêcher qui
va du 1er novembre au 31 mars, je suis retourné au même endroit. Par
dix mètres de fond, j'en ai aperçu deux qui gitaient à 3 mètres l'un de
l'autre. Je ne les ai pas pêché car leur chair est immangeable. Le
tronçon, coupé dans la partie haute du corps, que j'avais cuisiné était
bourré d'arêtes, et côté gustatif, la chair au demeurant blanche et
fine, était de saveur fade.
Le samedi 19 avril 2003, donc 6 mois plus tard, je suis revenu sur les
lieux,
et malgré l'absence d'ensoleillement (il avait plu ce jour-là), j'en ai
vu un, ce qui confirme que les ophisurus serpens ne sont pas venus sur
le plateau continental uniquement pour frayer, ce qu'on pouvait être en
droit de supposer, vu le manque d'informations que nous possédions sur
ce poisson. Cette fois-ci je l'ai pêché, car j'ai estimé que ce
redoutable prédateur pouvait créer un déséquilibre biologique dans les
lieux qu'il s'est mis en quête d'investir. Il mesurait 2 mètres pour un
poids de 2,3 kg.
Quelques années auparavant, en cherchant des favouilles dans la partie
sablonneuse plantée de posidonies, entre l' île du Grand Gaou et
l'archipel des
Embiez, à 60 cm de profondeur, je me rappelle que deux "anguillons"
d'une vingtaine de centimètres étaient passés sous mon ventre et
s'étaient ensablés. Ce n'est que bien plus tard que j'ai fait le
rapprochement entre ces étranges anguillons et les serpents de mer
adultes, preuve inéluctable que ces poissons quittent les profondeurs
pour venir frayer dans la bande littorale.
Si vous aussi avez rencontré cet étrange poisson venu des fonds
abyssaux, venez apporter votre témoignage à ce dossier. D'autres
renseignements sur l'ophisurus serpens sont disponibles aux rubriques
Poissons de A à Z
et Autres
poissons de la Galerie de photos.
Le 24 juillet 2018, Pascal, du Rayol - Canadel-sur-mer, m'informait qu'en 30 ans de pratique de la nage avec palmes, masque et tuba, c'était la première fois qu'il apercevait par 3 mètres de fond seulement un Ophisurus serpens. Une rencontre assez surprenante en si faible profondeur qu'il a tenu à m'en informer, et je l'en remercie. |
Autre témoignage d'Isabelle Bergeron : "Le 19.11.2021, dans la baie de Cabasson (Bormes les mimosas), à 500-600 m du bord maxi, profondeur d'eau peut-être 10 m, assez translucide, la bestiole était à 3-5 m de profondeur. J'étais en Stand up paddle et j'ai vu un reflet bizarre qui tortillait/serpentait sur place. Je me suis rapprochée un peu car cela m'intriguait. Je croyais voir une corde d'abord, mais ça bougait pas avec le courant et une corde ne serpente pas toute seule sur place sans quelque chose qui provoque ce mouvement, ni se remet tout droit toute seule. J'ai compris que ce n'était pas qu'un reflet et en plus c'était vivant. Pas pu distinguer de tête, l'animal était épais de 5-6 cm, longeur, ça me semblait être 5 m, mais bon, là-dessus je peux me tromper et puis je n'ai pas pu continuer à observer car ça se dirigait vers moi en prenant de la vitesse. Je n'ai jamais ramé aussi vite de ma vie !" |
